TRAFIC D'ANIMAUX SAUVAGES
La lutte contre le braconnage et le commerce illégal des animaux sauvages
Membres de la « Coalition pour mettre fin au trafic d’espèces sauvages en ligne » lancée en 2018 par des associations de protection de la nature et des animaux, 34 entreprises du web – réseaux sociaux, moteurs de recherche et sites d’e-commerce – ont agi pour préserver la faune sauvage. La Fondation 30 Millions d’Amis salue leur engagement, qui a déjà permis de retirer plus de 3 millions de petites annonces sur Internet (2/03/2020).
« Vend paire de pointes d’ivoire, prix à négocier ». Annonce en ligne scandaleuse, au regard du massacre des pachydermes en Afrique… mais qui s’affiche pourtant sur les écrans de millions d’acheteurs potentiels. Fort heureusement, se procurer des produits issus du trafic de faune sauvage en seulement quelques clics est devenu mission (quasi) impossible, grâce aux efforts consentis par 34 géants du numérique réunis sous l’égide du Fonds Mondial pour la Nature (WWF), de l’ONG TRAFFIC et du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW). En 2 ans de vigilance et de coopération, ces entreprises ont débusqué – puis bloqué – plus de 3 millions de petites annonces de vente d’animaux sauvages morts ou vifs (tigres, reptiles, oiseaux, etc.) ou de produits dérivés tels que les défenses d’éléphants, les écailles de pangolins, ou encore les carapaces de tortue.
Fermer les routes virtuelles du trafic
Parmi les acteurs du web engagés figurent des réseaux sociaux incontournables, notamment l’américain Facebook/Instagram et le chinois Weibo, mais aussi des moteurs de recherche, à l’instar du mastodonte Google et du chinois Baidu… Et bien sûr, des sites d’e-commerce, tels que le californien eBay, le français Leboncoin et le chinois Alibaba. « Cela montre aux cybercriminels que les routes commerciales virtuelles empruntées pour exploiter la faune sauvage sont maintenant en train de se fermer », affirment les auteurs du rapport de la Coalition. Pour obtenir ces résultats encourageants, les entreprises ont formé leurs équipes à détecter les annonces liées au trafic, partageant des connaissances avec des experts de la faune sauvage. La masse de données à traiter étant colossale (4,54 milliards d’internautes dans le monde !), des suites d’instructions informatiques – les fameux « algorithmes » – ont été améliorées par collecte et ajout de nouveaux mots-clés.
Formés dans le cadre du Programme de surveillance de la faune sauvage, des utilisateurs bénévoles de différents pays ont également contribué à signaler les contenus suspects. « Jusqu’à présent, les cyber-observateurs de la Coalition aux États-Unis, en Allemagne et à Singapour ont signalé plus de 4 000 produits interdits à la vente en ligne. Ces annonces ont été supprimées en temps réel par les équipes de surveillance des entreprises de la Coalition, explique IFAW par communiqué. Grâce à ce programme, les cyber-observateurs ont contribué à la découverte de nouveaux mots clés utilisés par les vendeurs et à l’identification des tendances du trafic d’animaux sauvages, ce qui a aidé les entreprises dans leurs efforts de surveillance continue. » Reposant sur la vigilance des internautes, cette initiative n’existe actuellement qu’en version anglaise
« Un défi pour les forces de l’ordre »
Si le secteur privé et les citoyens se mobilisent, cela n’exempte pas les autorités de jouer leur rôle en la matière, essentiel. En outre, l’action politique s’avère indispensable pour sensibiliser les consommateurs, dès le plus jeune âge, à l’impact de leurs achats sur les espèces menacées. « Les réseaux criminels profitent des plateformes internet aux dépens des espèces les plus rares que la nature a à offrir, conclut Crawford Allan, expert du trafic de faune sauvage chez WWF. Mais l’immensité d’Internet représente un défi pour les forces de l’ordre en matière de réglementation. Les cyber-entreprises de notre Coalition disposent désormais des moyens et des outils nécessaires pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages en ligne et peuvent contribuer à alléger le fardeau des forces de l’ordre. » Les petites annonces sur Internet constituent un débouché pour le trafic de faune sauvage, mais aussi pour le trafic d’animaux de compagnie, notamment des chiots et chatons issus d’élevages-usines. Dans ce domaine également, il revient aux acteurs du web de prendre leurs responsabilités !
Source 30 millions d'amis.
La déforestation et la surexploitation des terres, l’utilisation non durable des ressources naturelles, l’introduction d’espèces invasives, le braconnage et le commerce illégal des espèces ainsi que les changements climatiques et la pollution exercent une pression sans précédent sur la nature sauvage. Pour assurer un avenir sain et durable aux espèces et à leurs habitats naturels ainsi qu’aux générations futures, le WWF se consacre depuis plus de 50 ans à la lutte contre ces grandes menaces qui pèsent sur notre planète.
La biodiversité mondiale décline à une vitesse fulgurante. Entre 1970 et 2012, l'évolution de l'Indice Planète Vivante (IPV) qui mesure la biodiversité mondiale, montre une réduction de 58% de l'abondance des populations de vertébrés.
Le WWF protège la vie sauvage, en choisissant des espèces emblématiques comme les tigres, les rhinocéros ou les ours, pour elles-mêmes - parce qu’elles sont uniques - mais aussi parce que leur protection garantit celle d’espèces avec lesquelles elles cohabitent ou permet de protéger des paysages ou des milieux qui les accueillent.
Nous luttons, entre autres, contre le braconnage et la destruction des habitats. Nous nous efforçons d’atténuer les conflits entre les hommes et les animaux. Nous nous concentrons sur les espèces les plus vulnérables et les plus emblématiques, mais aussi sur celles qui jouent un rôle majeur au sein des écosystèmes.
Il faut dire STOP à la chasse aux trophés des animaux sauvages
C’est une pratique qui suscite la polémique y compris au sein des organisations de lutte pour la conservation de la nature. La chasse aux trophées est un commerce juteux et une manne financière pour certains pays. Faut-il la bannir pour assurer la préservation des animaux en Afrique? Géopolis a posé la question à Jean Christophe Vié, chargé du programme mondial pour les espèces à l’UICN.
En Namibie, poster des photos de trophées de chasse sur les médias sociaux pourrait vous coûter cher. Dans ce pays, qui compte de nombreuses espèces d’animaux sauvages, un projet de loi sur la gestion des zones protégées prévoit des sanctions contre toute personne convaincue de mauvais traitement sur des animaux. Un avertissement adressé à ceux qui s’adonnent à la chasse de gros gibier à des fins récréatives et qui s’exhibent ensuite avec leurs trophées pour commémorer leurs exploits.
«C’est quelque chose qui peut nuire à l’image de la Namibie. Des touristes peuvent être emmenés à boycotter le pays. Mais je ne pense pas que la Namibie va mettre fin à son programme de chasse qui est relativement bien contrôlé. Ils veulent peut être que cela se fasse de façon un peu plus discrète», croit savoir Jean-Christophe Vié, directeur adjoint du programme mondial pour les espèces à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Jean-Christophe Vié reconnaît que toutes les chasses aux trophées ne se font pas d’une façon responsable et juge certaines pratiques totalement inacceptables. «Il y a des choses qui ne sont pas éthiques comme la chasse du gibier d’élevage. En gros, vous élevez des animaux en captivité, notamment des lions, puis vous les lâchez devant des gens armés de fusils pour les abattre...Vous allez sur des sites de chasseurs et vous voyez des gens qui posent devant les cadavres. Vous vous demandez à quelle époque on est?»
Les trophées des grands fauves, une affaire de gros sous
La chasse aux trophées a ses partisans et ses opposants. Les débats tournent autour de la question de la moralité de cette pratique récréative et le déclin observé chez les espèces cibles. Jean-Christophe Vié explique à Géopolis Afrique que dans la polémique suscitée par cette activité à travers le monde, il faut s’affranchir de tout ce qui est émotionnel et éviter tout jugement de valeur.
«Parce que dans la conservation de la nature, il y a trois piliers. Il y a la conservation elle-même, il y a l’utilisation durable et le partage des bénéfices. Quand vous touchez à la chasse, notamment à la chasse aux trophées, vous touchez un peu à ces trois parties. Et notamment aux bénéfices», soutient-il.
Il est vrai que la chasse aux trophées en Afrique est une affaire de gros sous. C’est une manne financière pour certains Etats africains. La chasse aux fauves dans les plaines africaines rapporte gros: 32.000 euros pour un lion, 38.000 pour un éléphant, selon une estimation du journal Libération.
Le problème qui se pose, c’est que bien souvent, cet argent ne va pas à la conservation de la nature. «Notre ligne directrice est de dire: ok, on fait la chasse aux trophées, mais les bénéfices doivent être répartis. C’est-à-dire que les communautés qui vivent à proximité de ces animaux ou les organismes de gestion des parcs doivent recevoir l’argent. Il ne doit pas disparaître dans les poches de quelqu’un.»
«On ne va pas s'opposer, comme ça, à la chasse aux trophées» La chasse aux trophées est parfaitement légale dans une vingtaine de pays, notamment en Afrique du Sud et en Namibie. Mais depuis la mort du lion Cecil, abattu illégalement par un chasseur américain au Zimbabwe, plusieurs compagnies aériennes ont décidé d’interdire le fret de trophées de lions, de léopards, d’éléphants, de rhinocéros et de buffles. «Les compagnies aériennes font ce qu’elles veulent. Elles le font juste pour une histoire d’images», croit savoir Jean-Christophe Vié. Pour lui, cela n’empêchera pas la poursuite de la commercialisation des trophées.
«Tous les chargements illégaux de défenses d’éléphant, de bois tropical, ça ne passe pas par des compagnies aériennes. Il y a plein d’autres voies. En règle générale, nous sommes opposés à une réaction allergique qui consiste à tout interdire d’un coup. Avec le risque de tuer des initiatives qui fonctionnent bien. C’est la raison pour laquelle, nous, on ne va pas s’opposer comme ça à la chasse aux trophées.»
«Le monde de la conservation de la nature est impitoyable» Cette décision des compagnies aériennes avait été applaudie par les défenseurs des animaux qui refusent tout simplement l’idée de la mise à mort. Ils estiment que la chasse aux trophées contribue à détruire, non seulement certaines espèces, mais aussi leur habitat naturel et celui des peuples indigènes.
«S’il est vrai que la chasse est un problème pour certaines espèces, le vrai problème, c’est le bulldozer, ce sont les tronçonneuses», rétorque Jean-Christophe Vié. «Vous avez des gens qui vont raser les forêts pour faire du palmier à huile. C’est cela qui fait disparaître la nature et les peuples autochtones», soutient-il.
Jean-Christophe Vié constate avec regret que le monde de la conservation de la nature est absolument impitoyable, parce qu’il passe son temps à se quereller au lieu de s’en prendre aux vrais responsables de la destruction de l'environnement. Il n’a pas du tout apprécié la récente querelle qui a éclaté entre deux grandes organisations engagées dans la lutte pour la préservation de la nature.
Dans une tribune parue dans la presse en juin 2017, le directeur de Survival International, grand défenseur des droits des peuples autochtones a accusé l’ONG internationale de protection de la nature (WWF) de protéger les chasseurs de trophées en Afrique. C’est une mauvaise cible et un mauvais procès, estime-t-il.
Source France Info